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Florian Pugnaire & David Raffini

CASSE PIPE

2010 

Film HD, 16 min

Mai 2009. À l’abri du froid dans nos sacs de couchage, nous passons notre seconde nuit sous une tente règlementaire. À nos pieds un enchevêtrement de sabres, de bottes et de costumes de guerre s’amoncèlent d’une manière qui, elle, n’a rien de règlementaire. Dehors tout est calme. La bataille aura lieu demain, un peu avant midi. Nous défilons inquiets jusqu’au champ de bataille. Les rues de la petite ville de Porcia, dans la région de Venise, sont peuplées de soldats, de chevaux, de tambours et de chants guerriers. Sous l’œil des badauds qui n’en perdent pas une miette, nous essayons d’établir une stratégie, ou pour ainsi dire, un scénario. Le combat fait rage. La rumeur gronde, soutenue par le fracas des canons. Les soldats de la grande armée et les autrichiens qui leur font face hurlent dans toutes les langues. Au cœur de ce chaos nous tournons notre film, Casse-Pipe. La caméra suit un soldat en particulier, un acteur parmi tous ces acteurs, et une stratégie se met en place. Une esquisse de scenario nous paraît valable : prendre la fuite. Notre soldat décide de déserter la reconstitution de la bataille.

Casse-Pipe est une fiction dans une fiction, une représentation détournée pour écrire une autre histoire. C'est une mise en abîme, qui fictionnalise le processus de fabrication d’une fiction. On y retrouve les mêmes composantes que dans l’ensemble de notre travail, mais cette fois sans la sculpture. L’articulation de la fiction, de l’archive et du processus, se resserre autour d’un nœud autoréflexif qui enferme le personnage principal dans une boucle scénaristique. La désertion comme seule issue possible, il erre seul au monde dans des décors en ruine, prisonnier d’un temps suspendu, ce temps si particulier qui succède à la bataille. On pense à La Clepsydre de W. J. Has (1973), film polonais dans lequel un personnage, rendant visite à son père, se perd dans un sanatorium et s’égare peu à peu dans ses souvenirs, son passé et ses fantasmes.

 

« Le spectateur passé du documentaire à l’onirisme fictionnel oscille du réel à la rêverie. Il se voit projeté dans une actualité, mais empreinte d’obsolescence. Il se vit dans le futur de l’épopée napoléonienne, de la révolution industrielle, de l’automobile et en même temps dans le passé de leur durée. Ce spectateur est aussi dans son propre futur – un futur où la voiture et l’usine, l’homme même, ne seraient plus que les restes d’un monde dévasté (…) ».

Sylvie Coëllier : Pugnaces et Raffinés, une épopée des moteurs (extrait)

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